Avec ces labels, notre système de protection sociale s’inscrit encore un peu plus dans une approche de segmentation catégorielle qui trouve aujourd’hui ses limites, les personnes étant protégées en fonction de leur statut (salarié, indépendant, senior...) alors même que les parcours de vie sont de moins en moins linéaires. Cette évolution va à rebours des objectifs d’universalité, de cohérence et de mutualisation auxquels la Mutualité est attachée.
"Ces labels sont déconnectés des besoins des assurés", estime Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française. En fixant trois paniers de soins avec un niveau de garanties et de prix étroitement encadré, cette nouvelle réglementation méconnaît la réalité et les besoins spécifiques qu’ont les adhérents des mutuelles qui n’auront aucune marge de manœuvre pour adapter leurs garanties en fonction de leurs attentes. En particulier, ces labels ne comportent aucun des services que les seniors plébiscitent pourtant dans le cadre de leur couverture santé (aide aux aidants, préparation à la retraite, action sociale…). Enfin, ils prévoient de couvrir l’orthodontie dont les seniors n’ont pas besoin, mais pas l’implantologie à laquelle pourtant ils ont bien recours.
"Ce dispositif n’est pas viable économiquement", poursuit Thierry Beaudet. Les mutuelles sollicitées considèrent unanimement que les prix actuellement fixés sont en déconnexion avec le coût des garanties prévues. Comme l’a souligné l’ACPR, dans son avis sur le décret, ces labels pourraient mettre en péril l’équilibre économique des acteurs mutualistes – dont les marges sont inférieures à 1% –, alors que la couverture des seniors représente plus de 40% du chiffre d’affaires des mutuelles en individuel.
En fragilisant les mutuelles qui protègent 70% des plus de 65 ans, la réforme envisagée peut également fragiliser la couverture santé dont bénéficient les seniors. Les mécanismes de solidarité mis en place par les mutuelles leur permettent de proposer des tarifs progressant beaucoup moins vite, en fonction de l’âge des assurés, que ceux des assureurs (1). Ces mécanismes sont aujourd’hui menacés par cette réforme.
C’est pourquoi la Mutualité Française demande aux pouvoirs publics, à l’issue de la consultation qui vient de s’achever, de renoncer à l’actuel projet, afin de préserver la mutualisation et la solidarité intergénérationnelle, au bénéfice des seniors et de leur couverture santé.
(1) Source : Drees – La Complémentaire santé (édition 2016), fiche 9 (p.47 à 49)